La crise de la COVID 19 agit comme une mise en situation réelle de la profondeur, voire de la véracité, des valeurs fondamentales affichées jusqu’à présent par les entreprises. Loin des affiches et discours, la pandémie et ses effets sont l’occasion de démontrer, sans ambiguïté, l’attachement et la réalité des valeurs professées, mais aussi de mettre à jour et à nu l’incohérence de certains engagements avec les actes.
Un post mortem des décisions RH prises par les entreprises lors de la crise est nécessaire; et ce, sous le filtre des valeurs qui étaient proclamées à grand renfort de campagne marketing sur de nombreux supports: site institutionnel, affichage, PLV, livret d’accueil, publicité, jobboard etc.
Depuis le déclenchement de la pandémie, et son lot de conséquences socio économiques, une série de mesures en entreprise ont été prises pour se réajuster au mieux et avec les moyens du bord face à une situation inédite et potentiellement grave. Même le socle juridique s’est retrouvé dépourvu et démuni, contraint à légiférer en situation d’exception sans études d’impact approfondies. Dans ce contexte d’affolement et de précipitation, des choix se sont imposés. Dans ces moments, quid des valeurs de l’entreprise prônées parfois depuis des années ? Les a-t-on simplement mises entre parenthèse sous prétexte de régime d’exception, les reléguant à l’accessoire en temps de crise ? Au contraire, ont-elles guidé les choix parfois cornéliens des décideurs? S’est-on simplement posé la question lors des prises de décision ou les nécessités légitimes de continuité, voire de survie du business, ont-elles pris le dessus ?
En ces temps de précarité et de destruction d’emploi, ces temps où des entreprises fleurons, des mastodontes vacillent, où les plus petits s’apprêtent à fermer boutique dans la douleur, que faisons-nous des valeurs humanistes, collectives, tant mises en avant dans les périodes fastes? Que faisons-nous des engagements de l’entreprise, si en temps de crise, ils ne viennent pas aider à la décision, orienter, guider et parfois baliser les champs des décisions? A quoi cela sert-il d’afficher esprit d’équipe, solidarité, rôle sociétal, s'ils disparaissent aussitôt que pointent les compressions d’effectifs, chômage technique, congés sans solde, non renouvellement des CDD et autres contrats flexibles ?
La Marque Employeur faisait bien trop souvent appel à des messages marketing formatés, copiés-collés et répondant à une ligne directrice plus soucieuse du politiquement correct et des tendances que des aspirations profondes. Une mue est nécessaire. A mon sens, il s’agit de faire un exercice d’introspection profond, de clarifier ce qui constitue réellement notre ADN employeur, de dresser une vision honnête de sa trajectoire, pour ensuite décliner le tout en une « identité employeur » qui sera personnelle, personnalisée, reconnaissable, authentique…et assumée.
Pour certains, la Marque Employeur consistait à surfer sur les thématiques dans l’air du temps, place à l’authenticité en matière d’identité RH. Ceci évitera de débourser inutilement en campagnes multi-canales pour se bâtir une image que les faits mettent, ou ont mis, à rude épreuve. L’imposture mine durablement et profondément le capital image de l’employeur, tant en interne auprès de ses premiers ambassadeurs, ses employés, qu’en externe auprès de potentiels candidats qui développent des attentes légitimes de congruence entre parole, image et acte.
En temps de crise, vous me direz que la question des valeurs est peut-être bien le cadet des soucis des entreprises face aux problématiques de perte de clients, de baisse de chiffre d’affaires, de difficulté à recouvrer ses créances et de trésorerie asséchée. En effet, ce sont de vrais et graves problèmes, si ce n’est que l’engagement des collaborateurs est alimenté ou détruit par la foi, ou non, qu’ils ont en les valeurs de leurs employeurs. L’engagement des collaborateurs fera la différence entre les entreprises résiliantes qui se réinventeront et celles qui vacilleront faute de ce que Henry Ford qualifiait d’une des deux richesses qui n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise: ses Hommes.
De l’avis des experts, une crise durable s’est installée avec son lot de fracas sociaux et économiques. Les valeurs RH de l’entreprise doivent servir de gouvernail dans la tempête, ou alors si les décisions du quotidien ne les honorent pas, enterrez-les par souci d’honnêteté…. Cela fera plaisir au cost killer qui n’y voit qu’une ligne de dépense budgétaire dans la rubrique marketing Le propre du crash test est d’aboutir à une conclusion binaire et sans demi teinte: test réussi ou échoué ! Alors la COVID 19 a-t-elle eu raison de vos valeurs en entreprise ?
Par Soraya ROUMI, DRH
Comments