La pandémie de coronavirus a provoqué un choc économique énorme, certainement le plus rapide et le plus profond jamais rencontré dans notre histoire contemporaine. C’est la première fois, depuis la crise financière mondiale de 1929, que la planète est confrontée à une situation aussi grave sur le plan économique, avec un impact direct sur la croissance mondiale. La propagation du virus pousse les gouvernements, les entreprises et les ménages à réagir de manière imprévisible, transformant ainsi un problème de santé en un grand problème économique à l’échelle de toute la planète.
L'impact de cette crise se fait ressentir de plusieurs manières. Des millions d'emplois sont d’abord menacés, à travers la possibilité de faillites de très nombreuses entreprises. La situation sociale de nombreuses familles est appelée à se détériorer, en particulier dans le cas des travailleurs à faible revenu. Les spécialistes redoutent aussi, à terme, un effondrement généralisé des marchés boursiers et la baisse des taux de croissance. En moins de trois mois, tous ces effets ont déjà commencé à se faire ressentir et ce n’est que le début. Les états et les gouvernements n’échappent pas non plus à la crise. Ils subissent, de plein fouet, les faibles taux d'emploi qu’il faut compenser financièrement et la baisse de la croissance entraîne également automatiquement une chute des recettes fiscales. Enfin, la diminution de la demande peut conduire à une hausse des taux d'inflation.
D’un point de vu économique, les analystes estiment que les réponses à cette crise n'ont pas été suffisamment fortes et suffisamment ciblées. Les gouvernements ont logiquement beaucoup travaillé sur la partie médicale en essayant de prendre des mesures pour freiner l’épidémie. La partie économique de la crise semble avoir été oubliée dans un premier temps. Aujourd’hui, beaucoup de gouvernements tentent de rattraper le temps perdu et annoncent des mesures pour tenter de soutenir l’activité économique qui est quasiment à l’arrêt. La difficulté est de pouvoir anticiper l’ampleur de la crise, ce qui semble aujourd’hui difficile. Les scientifiques sont incapables de dire combien de temps la pandémie va durer et il est donc difficile d’ajuster les mesures économiques de manière précise. Cependant, certaines leçons peuvent être tirées du passé, et même d’un passé assez lointain. L’humanité a déjà été confrontée à une pandémie mondiale. C’était en 1918, ce que l’on a appelé à l’époque la grippe espagnole, qui a fait plusieurs dizaines de millions de morts. Certes, la situation était différente à cette période de notre histoire, le phénomène de mondialisation n’était pas encore apparu dans sa forme actuelle, mais il y a des similitude et donc des leçons à tirer:
Avoir une sécurité sociale est une priorité: en 1918, des dizaines de millions d'individus ont souffert à cause de l'absence de sécurité sociale. On a vu des employés malades et mourants, et les entreprises en ont subi les effets directs. On peut citer l'exemple de la société "Nambrakelly (Ceylan) Tea and Rubber Company" qui avait connu une diminution considérable de ses effectifs, beaucoup de ses salariés ayant été contaminés. Les autres salariés, en bonne santé, avaient demandé une hausse des salaires et une assurance médicale. Du coup, l'entreprise s'était retrouvée dans une grande difficulté financière. Aujourd'hui, le problème pourrait se reproduire dans de nombreux pays qui n'ont pas mis en place de couverture sociale.
Les dirigeants doivent revoir leurs dépenses: pendant la grippe espagnole, le secteur des assurances a connu une phase très difficile en raison du nombre de décès très important dans la population. Certaines entreprises n'avaient pas anticipé des contextes difficiles et n'étaient pas prêtes. D'autres avaient prévu des mécanismes. On peut citer comme exemple "L'Empire of India Life Assurance Company". Contrairement à d'autre sociétés, cette dernière a réussi à répondre aux lourdes exigences qui lui étaient imposées grâce à la solidité de sa situation financière. Aujourd'hui, le directeur général de Virgin Atlantic a également donné un bon exemple de gestion adaptée en réduisant les salaires de ses employés de 20%, le temps de laisser passer la crise.
Des sociétés qui surfent sur la crise: certaines entreprises ont su tirer profit de la crise de la grippe espagnole et du désir de protection et de guérison des populations. Certaines, par exemple proposaient, en 1918, des traitements pour guérir les malades. On peut citer l'exemple de la société Bovril qui avait fait une publicité disant que ses produits (bouillon concentré de bœuf) avaient des pouvoirs permettant de guérir de la grippe. Aujourd'hui avec le coronavirus, la situation est identique. Certaines entreprises pharmaceutiques ou encore les fabricants de masques chirurgicaux ne connaissent pas la crise et profitent de l’épidémie pour faire des affaires. On peut citer également l'exemple de la bourse de Wall Street qui a créé un nouvel indice baptisé "restez à la maison". Il rassemble une trentaine d'entreprises proposant des produits et services spécifiques à la période de confinement ( Netflix, Amazon, Alibaba ou encore eBay….).
Le défi aujourd'hui est double: tirer les leçons du passé en utilisant l'expérience de la grippe espagnole pour mieux réagir face au coronavirus et de l'autre côté, optimiser les nouveautés de notre monde moderne ( progression de la recherche médicale, développement du télétravail notamment). Et comme nous vivons désormais sous le régime de la mondialisation, dans un monde interconnecté, l'objectif est de pouvoir faire jouer une solidarité mondiale capable d'atténuer les effets de la crise, notamment pour les pays les plus pauvres de la planète.
Par Atar Benismael, Analyste & Chercheur
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