par Othmane Benmoussa avec Mounia Slighoua, Maha Gmira et Salim Bounou (Enseignants - chercheurs).
La résilience des Etats est soumise à rude épreuve en période de crise majeure, et ce, d’autant plus face à une pandémie grevant les activités économiques, bouleversant drastiquement les modes de vie des citoyens, fragilisant les systèmes sociaux et mettant sous pression les structures sanitaires pour ne parler que de ces quelques effets négatifs directs. Les Etats, amenés à se transformer, durant ces temps perturbés, en « unités de survie » pour reprendre l’expression de Norbert Elias, disposent somme toute de ressources limitées et il convient d’essayer de comprendre les mécanismes permettant une sortie de crise qui soit à la fois rapide et sûre.
Dans cette optique et en prenant le cas du Maroc, il devient nécessaire d’essayer de caractériser, au plus près, la nature des phénomènes épidémiologiques afin de proposer un modèle applicable au Maroc (modèle compartimental revisité) qui, tout en mettant en exergue la politique adoptée par le Royaume en matière de confinement, vient esquisser temporellement la propagation du COVID-19 moyennant de multiples simulations.
Le modèle épidémiologique SIR revisité par l’Université Euromed de Fès
Rappelons que les coronavirus sont des virus enveloppés caractérisés par un génome à ARN simple brin, non segmenté, de polarité positive et polyadénylé (Kin & Vabret 2016). Le premier cas d’infection au SARS-CoV-2 a été enregistré à l’Institut Pasteur du Maroc et confirmé par le Ministère de la Santé le 2 mars 2020. Il s’agissait d’un ressortissant marocain résidant en Italie. Ce cas a conduit à la description, à l’identification, au diagnostic, au suivi de l’évolution clinique et in fine à la gestion du cas précité. Quant à la première transmission interhumaine du COVID-19 au Maroc, elle a été signalée le 5 mars 2020.
A date, plusieurs traitements, pouvant réduire ou contrôler l’infection virale (oseltamivir, lopinavir, ritonavir, ganciclovir intraveineux, remdesivir, hydroxychloroquinecombinée à l’azithromycine …), sont administrés aux personnes atteintes du SARS-CoV-2. Néanmoins, il convient de noter qu’actuellement, aucun traitement antiviral, ni vaccin spécifique contre l’infection au COVID-19 n’existe.
Lato sensu, pour contrôler la pandémie actuelle et réduire la transmission interhumaine, la combinaison de plusieurs mesures, tels que le diagnostic, le confinement, les traitements et autres solutions faisant appel aux technologies du numérique, est requise avec une attention particulière portée aux personnes les plus vulnérables comme les enfants, les soignants et les personnes âgées ou à faible immunité. En ce sens, l’apport des technologies, comme une composante d’un ensemble cohérent de mesures de transition pour aider à freiner la pandémie, est vital. Plusieurs approches, basées sur le Bluetooth ou les données de géolocalisation GPS, sont en cours de développement ici et ailleurs.
Apple et Google, pour l’exemple, reconnaissant l’intérêt du « proximity tracing » visant à protéger la population sur une base volontaire tout en garantissant un certain anonymat, ont annoncé la création d’une plateforme technique utilisant la technologie sans fil Bluetooth. Cette approche du « proximity tracing », bien que ne relevant pas si les personnes portaient ou non des équipements de protection ou étaient en contact étroit compte tenu d’une portée technique du Bluetooth pouvant aller jusqu’à une vingtaine de mètres, donne néanmoins une indication du risque de contagion auquel une personne a été exposée et demeure une partie intégrante d’une démarche citoyenne responsable.
Cependant, le traitement de données sensibles, relevant de la sphère privée, renvoie à des considérations d’ordre éthique et nous interroge quant à l’acceptabilité sociale de cette nouvelle génération d’outils, mettant en exergue l’effet de cliquet, tel qu’initialement énoncé par James Duesenberry et repris plus tard en politique par Robert Higgs de l’école autrichienne. En effet, des risques émanant d’une potentielle normalisation de la surveillance devraient être évalués et contrés grâce à une panoplie d’instruments juridiques justement adoptés au Maroc en vue de la protection de la vie privée et des données personnelles. En ce sens, le principe de proportionnalité, par exemple, est de mise et doit s’appliquer dans la mesure où «les solutions les moins intrusives doivent toujours être privilégiées». Les «mesures invasives» doivent être, quant à elles, évitées pour rester en harmonie avec les valeurs fondamentales qui font des Etats de véritables unités de survie, responsables de la préservation des droits et des libertés dans le cadre notamment des contextes exceptionnels.
De l’importance d’une vision multidisciplinaire et systémique
Lecture supplémentaires:
Kin, N. & A. Vabret (2016). Les infections à coronavirus humains. Revue Francophone des Laboratoires, 2016(487), 25-33.
European Data Protection Board. Statement on the processing of personal data in the context of the COVID-19 outbreak”. March 19, 2020.
Les lecteurs intéressés par ce papier peuvent consulter sa version longue publiée au niveau de l’Euro-Mediterranean Network for Economic Studies, EMNES (Lien).
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