Le paiement mobile au Maroc, communément connu sous l’appellation de M-Wallet, est le dernier né d’une longue lignée de moyens de paiements, fruit d’une forte synergie entre banques et établissements de paiements. Placé sous la tutelle de la banque centrale et de l’ANRT, porteur d’enjeux de premier plan notamment à travers son positionnement en tant que vecteur d’inclusion financière et de réduction de la circulation de cash.
Le paiement mobile est un projet d’envergure, ambitieux et disruptif, dans le sens où il offre une interopérabilité unique entre des acteurs de différents secteurs d’activités comme les banques et les établissements de paiements, mais aussi les opérateurs de télécommunication et les FINTECH. En effet l’évolution de la loi bancaire offre la possibilité à tout acteur financier, moyennant un agrément de la banque centrale, d’être acteur du paiement mobile à condition de loger les fonds sous forme de compte appelé de cantonnement auprès des établissements bancaires. Ce modèle d’interopérabilité nationale, élargi à des acteurs externes au secteur bancaire, vient conjuguer les besoins des consommateurs au temps de la révolution digitale.
Le paiement mobile a un rôle à portée social, témoin de la volonté de l’état de développement des secteurs informels et de réduction des fossés sociaux, bon nombre d’exemples de pays en Afrique subsaharienne ont réussi à amorcer l’élan de l’inclusion financière à travers des solutions de paiement mobile parfois rudimentaires à base d’USSD mais intuitives en termes de parcours client; démystifiant le paiement dématérialisé et permettant à des personnes dans des zones urbaines comme rurales de développer leurs micro-activités en se faisant payer via un circuit dématérialisé et sécurisé sur mobile.
L’adoption du paiement mobile au Maroc est tributaire du désamorçage des freins psychologiques auprès des consommateurs marocains, qui sont attachés culturellement au Cash qui leur prolifère sécurité et réconfort ; cette volonté de mutation de l’ADN transactionnel des consommateurs marocains du cash vers le dématérialisé, s’accompagne de catalyseurs inédits comme l’instantanéité que cela soit pour les transferts d’argent vers tout acteur de paiement mobile national, ou pour l’acceptation de paiement chez les commerçants, chose qui change la donne considérablement pour ces derniers notamment pour des fonds de commerce à fond de roulement réduits. D’autres services viennent garnir aussi l’univers transactionnel embarqué sur le mobile du client comme le retrait sans carte ou les paiements de factures et recharges téléphoniques.
La pierre angulaire de la réussite du paiement mobile à échelle nationale, est le développement d’un réseau d’acceptation d’envergure, porté par un effort mutuel entre banques, établissements de paiement et fintechs, pour encourager à travers des offres dédiées et compétitives, différents profils de marchands nationaux à l’inclusion financière et ce, afin de construire un dôme transactionnel à grande échelle, bâti autour du client, lui permettant de régler tout achat lié à son quotidien.
Parmi les freins majeurs pouvant freiner l’adoption du paiement mobile est le manque de leviers juridiques et légaux encourageant les commerçants à passer dans un circuit formel, dont la majorité opère au quotidien avec du CASH dans un cadre informel. Un appui fort de l’état est primordial d’un point de vue réglementation mais aussi à travers l’alignement de la stratégie de transformation digitale avec les ambitions du paiement mobile, comme l’intégration de certaines prestations de masse (Remboursement de dossiers médicaux, pensions, retraites, allocations familiales…) sur le circuit du paiement mobile.
Par ailleurs, il ne serait pas anodin d’envisager une convergence entre le paiement mobile et la monétique. Certes nous sommes encore loin des 16 millions de cartes actuellement en circulation au Maroc, le citoyen marocain aura toujours besoin du contact avec le cash, mais le paiement mobile peut capitaliser sur une activité de paiement mature comme la monétique notamment pour l’ouverture à l’international. Une solution nationale de TOKENISATION peut s’avérer comme la clé de voute réussissant cette convergence.
En guise de conclusion, et dans l’optique de capitalisation sur ces temps de crise sanitaire à retombées humanitaires, sociales et économiques, que connait notre pays, l’adoption de moyens de paiements digitalisés peut s’avérer le ressort pour bon nombre de commerces en recherche de trésorerie et ce en leur insufflant une nouvelle dynamique commerciale. C’est aussi une locomotive socio-économique permettant à l’état de desservir les catégories sociales les plus exclues.
Brahim BOURQUIA
Head of Payment & Mobile @ BANK OF AFRICA- BMCE GROUP
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