Q&R Exclusif de Trusted Magazine avec David Fayon, Chief Digital Officer
Comment pourriez-vous décrire votre parcours professionnel en quelques mots ?
Tombé dans la potion numérique étant petit avec un premier contact avec les micro-ordinateurs dès le début des années 1980, j’y suis resté. J’avais tout de suite perçu que cela allait bouleverser la société. Déjà en tant qu’enfants on arrivait à programmer et à utiliser la machine ce qui était une difficulté pour nos parents, encore plus pour nos grands-parents. C’était déjà l’aperçu de la fracture numérique. J’ai ensuite poursuivi mes études dans les maths et les télécoms puis ai toujours dans mon travail et mes missions eu une activité liée à l’informatique qui s’est muée en numérique tout en effectuant une veille intense dans le domaine et de façon transverse : technique, économique, juridique, usages, etc. Car j’avais l’intuition que cette révolution allait impacter l’ensemble des secteurs et des activités de l’humanité. Après quelques années passées au centre de R&D d’Alcatel Alsthom (avec un H), je suis à La Poste où j’ai occupé différentes fonctions en marketing, gestion de projets, système d’information et désormais innovation – hormis une période de 3 ans où je travaillais dans la Silicon Valley ayant fait « La Poste buissonnière ». Actif au sein de plusieurs associations pour le développement des usages du numérique en France, je suis auteur de livres et partage mes réflexions sur mon site éponyme www.davidfayon.fr.
Quels sont les points forts des tendances marquantes de l'innovation numérique pour 2022 ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples majeurs ?
Nous en avons plusieurs et comme chaque début d’année, je livre une rétrospective des moments clés de l’année écoulée et dessine quelques éléments sur l’année qui débute (https://davidfayon.fr/2023/01/annee-numerique-2023-intelligence-artificielle-generative-tentative-regulation-plateformes/).
En résumé, on peut dire que l’année a été marquée du côté des réseaux sociaux par le rachat de Twitter par Elon Musk qui a un management très particulier outre le fait qu’il a licencié la moitié du personnel. Cette tendance de la compression des effectifs se retrouve dans la tech y compris chez les MAAAM (Microsoft Apple Amazon Alphabet Meta) alors que les profits sont à 2 chiffres sauf pour Amazon sous couvert de guerre en Ukraine, de reprise de l’inflation en fin d’année, etc. Les cyberattaques ont progressé, le numérique responsable devient sur le devant de la scène. Il convient d’allonger la durée de vie des équipements, de lutter contre l’obsolescence programmée, de développer un numérique inclusif. On a vu également les désillusions pour les métavers même si les expérimentations sont nombreuses dans les entreprises pour être prêt lorsque les usages vont décoller (baisse de 60 % du titre Meta, l’ex groupe Facebook mettant tous les œufs dans un même panier et faillite de FTX). On a eu peu d’innovation mais plus une copie des fonctionnalités entre les outils avec une inspiration qui vient souvent à présent d’Asie et de Chine. Alipay et TikTok font leur chemin et sont inspirants.
Mais c’est surtout en fin d’année que l’on a eu l’innovation majeure qui est sortie des cartons et qui depuis lors fait l’objet d’un buzz considérable et d’une adoption massive : ChatGPT, IA générative dans le cadre du projet OpenAI. Le chatbot peut générer des conversations et produire toutes sortes de documents y compris du code informatique. Cela va générer un nouveau cycle de destruction créatrice avec suppression ou modification des tâches de métiers traditionnels et de nouveaux métiers induits.
Sur la base de vos expériences, quelles sont les tendances de l'innovation numérique qui deviennent plus importantes dans le contexte de 2023 ?
Cela va être une poursuite des tendances observées notamment en fin d’année 2022 avec aussi une régulation tant de l’Europe que des États-Unis plus grande des plateformes.
Certains acteurs pouvant voir leur business model remis en cause comme le moteur de recherche Google qui va riposter (https://blog.google/technology/ai/lamda/) face à ChatGPT. L’IA générative, qui comprend par ailleurs des biais et des imperfections de jeunesse, va s’étendre au-delà de ChatGPT qui va évoluer et qui devra faire l’objet d’une plus grande frugalité numérique car en augmentant d’un facteur 100 ou 1000 le volume de données, on n’aura pas une intelligence qui doublera alors que la consommation énergétique augmentera dans un facteur plus important. La clef résidera dans les optimisations algorithmiques combinées avec une bonne adéquation entre IA et apport humain. On aura également le développement des IA génératives pour la création d’images (Dall-E, Midjourney), la production musicale, l’invention ou la reproduction de voix, etc.
Nous aurons aussi le lancement des Frogans (https://f2r2.fr/), alternative disruptive aux sites Web qui justement sont plus économes en bande passante. Au-delà, c’est toute la question de la relation entre les objets connectés, les robots et l’humain qui devra être repensée tant dans les usages que dans les droits associés et l’éthique et ceci avec l’optimisation énergétique indispensable. Nous allons avoir un continuum entre énergie, transport et télécoms dans des territoires intelligents avec une multitude de capteurs. Il conviendra à veiller à la non-intrusivité de ces technologies dans les vies personnelles.
À votre avis, comment peuvent-elles créer une forte valeur ajoutée pour les organisations ?
Pour créer une forte valeur ajoutée dans les organisations, ces innovations que constituent l’IA générative mais aussi toutes les technologies développées par des start-up et des PME innovantes à fort potentiel de disruption et que l’on baptise deeptech (https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/quest-ce-que-la-deep-tech) devront s’interfacer avec les systèmes d’information des organisations et apporter de nouveaux services qui devront soit permettre de générer du chiffre d’affaires additionnel soit optimiser des coûts ou des processus. Parfois ce doit être une opportunité de repenser l’organisation pour la rendre plus agile, plus proche de ses clients et de son écosystème, d’avoir une meilleure fraîcheure et le cas échéant géolocalisation des données. C’est tout l’objet de la noble tâche de transformation digitale. Ceci génère aussi une redistribution des cartes avec un impact sur les métiers qui évoluent et se transforment et un nécessaire accompagnement du changement car l’humain reste au cœur de l’évolution, la technologie reste un bon serviteur mais demeure un mauvais maître.
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