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Q&R avec Nourlil Ghizlaine

Dernière mise à jour : 24 juil. 2023

Q&R Exclusif de Trusted Magazine avec Nourlil Ghizlaine, ESG & Sustainable Finance International Expert | Executive Advisor



Comment pourriez-vous décrire votre parcours professionnel en quelques mots ?

J’ai démarré ma carrière professionnelle dans le secteur bancaire en 2006 après l’obtention du diplôme universitaire en Marketing de l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Settat et d’un Master en Gestion de la Relation Client de la même école . Je suis également Alumni du programme « International Visitor Leadership Program » du Département d’Etat Américain et doctorante en Sciences de Gestion de l'Académie des Sciences de Management de Paris. Pendant une quinzaine d’années j’ai développé une expertise dans un domaine peu connu en Afrique qui est la Finance Durable. En effet, j’ai pu occuper plusieurs postes au sein d’institutions financières connues à l’échelle du continent. En 2020, J’ai pris en charge la Direction de Moody’s ESG Maroc (ex Vigeo Eiris l'agence de notation extra-financière) et le Business développement au niveau des deux régions Afrique et Moyen Orient. A partir de 2023, je travaille en tant que consultante indépendante et conseillère sur les sujets de durabilité sociétale.

Quelles sont les tendances actuelles en matière de démarches ESG au Maroc, et comment celles-ci ont évolué au fil du temps?


Il est essentiel de différencier démarche RSE et démarche ESG. Cette dernière est caractérisée par la mise en place de dispositifs de mesure et de contrôle des trois dimensions « environnement », « sociétal » et de « Gouvernance » permettant ainsi le suivi des efforts entrepris dans le cadre d’engagement explicite et quantitatif de la durabilité tandis que la RSE est globale, qualitative, venant d’une volonté interne d’approcher des sujets de durabilité. Aujourd’hui, la majorité des entreprises marocaines commencent à faire évoluer leurs démarches de responsabilités sociétales volontaristes vers des approches ESG intégrées suite aux exigences des bailleurs de fonds internationaux, des donneurs d’ordre à l’export et à l’obligation de reporting pour les sociétés faisant appel public à l’épargne.

Pouvez-vous nous dire quels seront les ingrédients de réussite d’une démarche ESG au Maroc ?

A mon avis, pour garantir un succès réel de sa démarche de durabilité, il est essentiel de la construire autour de référentiels internationaux exigeants et permettant de mettre en place des dispositifs de mesure et de contrôle de la performance à travers le temps. Il est également recommandé de la nourrir de bonnes pratiques sectorielles et régionales à travers la réalisation de benchmarks et de la veille. Enfin, et pour avoir un impact significatif sur le business et la performance globale, une intégration et opérationnalisation effective s’impose et donne à la démarche toute sa légitimité.

Comment les entreprises et les investisseurs Marocains intègrent-ils les critères ESG dans leurs décisions et leurs pratiques?

Cela n’est pas uniforme et reste tributaire du degré d’engagement de l’entreprise ou de l’investisseur. Chaque institution a son propre cadre de référence qui peut aller d’une simple intention d’adoption de critères de durabilité et de respect de normes internationales en terme de droit de travail, environnement, santé et sécurité et autres à une réelle intégration dans le business et une mesure d’efficacité et de performance opérationnelle. Nous avons au niveau du Royaume plusieurs acteurs économiques ayant déjà collaboré avec des entités internationales telles que l’ONU, les banques de développement et celles multilatérales. De ce fait, ils ont une connaissance pointue des exigences en terme de gestion des aspects environnementaux, sociétaux et de gouvernance ce qui leur permet de mettre en place des règles et des filtres pour identifier, atténuer et gérer les risques et impacts induits par leurs activités. D’autres préfèrent rester sur des démarches volontaires avec un minimum d’engagement se limitant à des actions caritatives ou autres.


Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises et les investisseurs Marocains dans la mise en place de démarches ESG, et comment peuvent-ils être surmontés?

A mon avis, le principal défi reste d’aligner démarche de durabilité à la réalité du marché local. Les entreprises peuvent construire de belles approches basées sur des exigences et des pratiques au niveau de l’Europe et des Etats Unies, mais seront confrontées à la réalité du marché local. Prenons l’exemple, de la gestion des risques sociaux au niveau de la chaîne de valeur et plus précisément ses prestataires de services et fournisseurs. Une entreprise peut demander dans le cadre d’une charte d’achat responsable les justificatifs de déclaration à la sécurité sociale des employés de son fournisseur. Une grande ou moyenne entreprise qui font appel à des fournisseurs structurés peuvent y arriver, les petites non suite au poids de l’informel. Un autre point important à signaler est celui de l’offre, une entreprise peut mettre en place un dispositif de production responsable alliant utilisation d’énergie propre, gestion rationnelle des matières première et de l’eau, gestion des déchets, moins d’émission de carbone etc… Cela va nécessiter un budget et par conséquent un prix de sortie sur le marché plus élevée que les produits de la même catégorie. La majorité des consommateurs locaux restent sensibles aux prix et non à la technologie ou les process de production responsables. Une sensibilisation des utilisateurs finaux s’avère également nécessaire. Je souhaite également rajouter que les appels d’offres public ou privés ne font pas la promotion des pratiques de durabilité ce qui ne permet pas de favoriser les entreprises engagées.

Comment les autorités publiques Marocaines encouragent-elles la mise en place de pratiques ESG, et quel est leur rôle dans la promotion de l'investissement durable et responsable?


Un premier travail a été lancé au niveau des grandes entreprises qui font appel public à l’épargne à travers la mise en place de reporting obligatoire, la Banque centrale a également annoncé le Climate Stress testing pour se préparer aux éventuelles risques physiques et de transition et enfin nous assistons aujourd’hui à la naissance d’un nouveau secteur qui est le Green Hydrogène mais qui touche qu’une partie de l’ESG qui est l’environnement. Le volet formation est également initié à travers le centre 4C au Maroc.

Quels sont les avantages pour les entreprises et les investisseurs Marocains de mettre en place des pratiques ESG, et comment ces avantages peuvent-ils être mesurés?

Une prise en compte de risques et opportunités d’affaires ESG permet à toute entreprise d’anticiper et de mesurer son degré de vulnérabilité, de résilience et sa capacité à produire de la valeur durable dans le temps. Une institution qui se déclare et qui prouve qu’elle mesure et suit son exposition aux risques environnementaux, sociétaux et de gouvernance à tous les niveaux internes et externes jouit d’une attention particulière de la part des investisseurs étrangers, des bailleurs de fonds et des clients avertis. Une entreprise responsable s’engage naturellement vis à vis de son personnel, ses fournisseurs, sa communauté et ses pairs. Ce qui lui permet d’adopter un plan d’amélioration continue pour répondre aux attentes de ses parties prenantes et de ses actionnaires pour une création de valeur durable pour tous.

        

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