Q&R Exclusif de Trusted Magazine avec Wissal Prieto, Directeur Général d'un Hôtel 5*
Comment pourriez-vous décrire votre parcours professionnel, et quelles sont les étapes marquantes de votre évolution professionnelle ?
Après avoir eu mon Bachelor à l’école d'hôtellerie « Les Roches Marbella », j'ai travaillé aux Roches pendant un an, et c'est là où ma carrière a commencé avec un intérêt particulier pour l'hôtellerie. J'ai été contacté par un grand groupe à Marbella pour des responsabilités au sein d’un complexe comprenant un grand centre commercial incluant ses attractions (Salles de sport, restaurants, boutiques…). J’ai accepté le challenge et j’ai évolué progressivement pour devenir directeur général du complexe en question. L’expérience était pleine d’apprentissage et d’épanouissement. Ceci dit, je voulais étendre mes ambitions dans l’entreprenariat en mettant en valeur mes acquis : j’ai inauguré mon premier restaurant de sushis à Marbella (Fashion Sushi), puis j'ai renforcé la dynamique de réussite de cette première ouverture avec 4 autres restaurants similaires. Au bout de cinq ans, cette chaîne de restaurants a été classée la meilleure pour les sushis à Marbella. Après cette expérience, j'ai vendu les restaurants et j'ai ouvert d’autres chaînes. C’est devenu une passion, comme la gestion multi-restaurants / multi-sites est pleine d’aléas, de complexité, et de nécessité d’innovation (équilibrer économies d’échelles et personnalisation locale). Ma quête dans le domaine de l’entreprenariat a évolué vers d’autres pays et d’autres domaines jusqu’au jour où on m’a proposé de diriger un établissement hôtelier 5* avec plus de 300 collaborateurs.
En tant que manager, quelles clés de réussite vous considérez les plus importantes ?
Je parlerai de certaines clés qui sont spécifiques à l’hôtellerie, mais les managers de tout autre secteur pourront avoir une lecture de mes propos en trouvant le « parallèle » pour leur contexte. J’apprends aussi de plusieurs managers d’autres secteurs et de leurs clés de réussite. Selon mon expérience : il faudrait que le manager crée une rupture avec les clichés du « manager type ». Ces modèles mentaux des « managers » nous mettent tous dans des moules et nous empêchent de refléter des pratiques managériales intelligentes. Pour un certain nombre d’hôtels, le directeur est toujours en costume cravate. Dès qu’il rentre à l’hôtel, tout le monde a peur, tout le monde tremble : « Attention, il y a le directeur qui arrive et ça, c'est un management par la peur ». Ce n'est pas un management par le respect. De ma part, je pratique le management en reflétant ce que je suis. Je n’ai pas de bureau. Je suis sur le terrain tout le temps. Quand il y a du travail, j’aide les autres. S'il faut être à la réception, je le suis, s'il faut prendre des bagages et les porter dans la chambre d'un client, je le fais. Les employés travaillent et ils savent que je suis avec eux. Je ne suis pas de ces directeurs qui s’enferment dans leur bureau, pour faire des réunions, convoquer des collaborateurs, et donner des directives. Je suis proche des collaborateurs, je connais leurs problèmes, leurs soucis, et j’essaye de les résoudre avec eux. J’organise des tournois réguliers avec eux, je les invite à ma maison, je sors avec eux … La proximité est une clé incontournable, mais tout en sachant mettre des limites : dès qu’on s’approche énormément de certaines personnes, il y a clairement un risque de manipulation et un risque de détourner l’attention sur les priorités de l’entreprise. Donc il faudrait rester en alerte pour que le professionnalisme prime sur les interactions dans une optique de réussite commune.
La proximité et l’orientation des collaborateurs demandent beaucoup d’énergie au manager quand la structure devient de plus en plus étendue, comment gérez-vous ce challenge ?
C'est vrai que la proximité exige beaucoup d'énergie. Pourquoi ? Parce qu’il faut donner du temps à tous les collaborateurs, et s’assurer qu’il y a une ligne de professionnalisme et de performance à respecter. Comment dessiner la ligne et ne pas la dépasser ? … La solution est de mobiliser l’esprit d’équipe pour que les valeurs et les orientations soient promues à travers l’esprit d’équipe. Ma posture et mes convictions doivent être reflétées à travers les groupes même en cas de mon absence. Si on ne travaille pas comme une vraie équipe, on ne va pas aller loin. L’esprit d’équipe devrait se substituer à la présence managériale pour résoudre les challenges, pour trouver des solutions, ou pour décider. Je dis toujours à mes collaborateurs : « S'il y a des problèmes, arrangez-les entre vous, ne le dites pas à moi ». Je suis en mesure d’intervenir pour les aider à résoudre les challenges, mais j’essaye de les inviter à le faire en équipe avant de venir me voir. Ceci s’applique aussi à des challenges de comportement ou d’irrespect. Quand je remarque des manquements dans ce sens, j’annonce clairement à toute l’équipe ce que j’ai remarqué de la part du collaborateur X, et je demande à l’équipe de résoudre ce manquement. Je ne le fais que rarement moi-même. Ceci va dans le sens de la substitution de l’autorité managériale par celle du groupe. Ceci est très puissant et permet de réduire l’énergie que je dépense pour accompagner les collaborateurs et les orienter dans une optique de performance et de professionnalisme.
À travers votre carrière, quel est le challenge qui vous a marqué le plus ?
À travers ma carrière, et à l’instar de toute autre personne : j'ai eu pas mal d'échecs ! J'ai eu aussi deux grands échecs et je sais exactement ce qu’est le problème. Le problème c'est faire confiance. Je ne parle pas de faire confiance d’une manière aveugle, c’est le fait de faire confiance tout simplement, surtout pour une personne qui fonctionne au « feeling », comme c’est le cas pour moi. S’il y a un feeling, je suis prêt à foncer, mais parfois mon feeling n’est pas tout le temps « pertinent ». J'ai fait confiance à des gens qui ne le méritaient pas. Je fais tellement confiance que je donne la marge pour que des personnes tombent dans l’erreur. On fait tous des erreurs, et les erreurs sont constructives si elles sont bien accompagnées par un apprentissage, mais parfois les dégâts sont importants et font des échecs mémorables. La confiance est un challenge, elle me permet d’apprendre et de me développer. Je ne peux pas changer ce trait de caractère et j’en suis très fier. Ça fait partie de ma personnalité. Cette confiance, ce n'est pas moi je l'ai acquis de mes parents. Je sais que si j'arrête de faire confiance aux autres ou dans ma manière de gérer, plusieurs choses vont changer, mais pas dans le sens que je veux.
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